lundi 23 juin 2008

« LE FOND DE GARANTIE AGIT DANS L’INTERET DES VICTIMES, IL PRIVILÉGIE LES RÈGLEMENTS AMIABLES POUR INDEMNISER RAPIDEMENT LES VICTIMES ET EVITER LES LONGUEURS D’UNE PROCEDURE JUDICIAIRE »


« L’OFFRE D’INDEMNISATION A POUR BUT DE RÉPARER ,CONFORMÉMENT A LA LOI ET A LA JURISPRUDENCE , LES PRÉJUDICES QUE VOUS AVEZ SUBIS »



Pour contacter Pierre ou le comité de soutien: soutien_pierrefauges@yahoo.fr


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Educateur en voie d’exclusion


Ce jour là, le centre d’hébergement est plein. Pïerre reprend son service et retrouve les hébergés: des familles en demande d’asile, des enfants en bas âge, les nouveaux arrivants. Cela fait quelques années qu’il travaille dans ce milieu auprès de personnes qui n’ont pas choisi d’être là et qui espèrent un avenir meilleur. En fin de journée, il parle avec un hébergé, qui revient avec quelques verres dans le nez. Pierre l’informe qu’il ne peut pas rester. L’homme va prendre ses affaires. Jusqu’ici, tout se passe bien. Et ils se retrouvent sur le pas de la porte du centre. L’hébergé pose ses sacs, crache à la figure de Pierre et lui saute dessus munis d’un cutter... Tendons de la main droite coupés et 275 points de suture à la tête et sur le crâne.


« Dès le début de votre affaire, vous avez droit à l’intervention gratuite d’une association d’aide aux victimes qui pourra (…) vous apporter une aide psychologique (…) par l’intermédiaire d’un psychologue ou d’un psychiatre. »

On peut lire ces quelques mots sur une charte des droits et devoirs des victimes éditée par le ministère de la Justice. Le parcours de Pierre Fauges est en totale contradiction avec cette charte.


Les problèmes commencent dès l’hôpital : pour tout suivi, il rencontre une infirmière psy, alors qu’il existe une cellule départementale d’urgence constituée de psychiatres, de psychologues et d’infirmières psy, sous la direction du préfet. Mais elle est destinée aux accidents collectifs, pas à une victime individuelle. Aucun psychiatre ou psychologue ne sera ainsi proposé à Pierre.

Ensuite, c’est la sortie de l’hôpital. Il faut trouver un spécialiste des chocs post traumatiques dont les séances ne sont pas remboursés. L’Etat de Stress Post Traumatique (ESPT) est difficile à voir au premier abord. La personne souffrante, si elle a du caractère, pourra vous dissimuler un moment ces problèmes de mémoire ; mais si vous vivez avec elle, vous découvrez que ce syndrome est très invalidant. Certaines personnes non avisées peuvent le voir comme une période de déprime ou même comme de la simulation, mais l’ESPT peut engendrer des troubles de la mémoire persistants et invalidants, des troubles du sommeil durables ainsi qu’une fragilité émotionnelle résiduelle importante.

Etre suivi est très important pour une personne qui sort d’un événement douloureux. Dès l’entrée à l’hôpital et après la sortie. Pierre a donc du trouvé lui-même la personne adéquate pour l’aider à dompter ce syndrome qui n’est enseigné que depuis peu d’années. Le médecin trouvé, il commence un travail pour tenter de récupérer ses capacités mémorielles. Cet handicap l’oblige à noter tout ce qu’il peut lui arriver dans la journée, du menu du repas aux appels de ses proches. On ne peut pas imaginer la douleur que cela provoque de ne pas reconnaître une personne dans la rue qui vous dit bonjour, de ne pas pouvoir relire des livres que l’on apprécie, car le cerveau ne suit plus toutes les informations qui arrivent.


Pierre se bat tous les jours contre cette pathologie. Et il doit subir des expertises demandées par la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Agression où il est humilié, presque torturé. Le médecin qui le suit dira qu’il l’a retrouvé après les expertises dans « un état à strictement parler suicidaire ». L’expert n’était là que pour minimiser les préjudices subis par Pierre. D’ailleurs, dans ses conclusions pour le fond de garantie, il déclare que Pierre est apte à reprendre une activité, qu’il peut se reconvertir à 56 ans. Il ne tient pas compte des différents certificats ou comptes-rendus neuropsychologiques. Et des commentaires fait à l’expert par le spécialiste qui suit Pierre seront soustraits du dossier. Le fond de garantie, qui ne peut, de toute façon, statuer correctement suite à ces manquements, donne rendez vous à Pierre au tribunal le 10 septembre et ne veut pas reprendre la phase amiable engagé.

Pierre avait aussi entamé une procédure aux prud’hommes qui a été radiée. En effet, son employeur n’a pas respecté les textes en vigueur et Pierre a été licencié très rapidement, en moins de 10 jours, sans reclassement après la consolidation de la médecine du travail qui avait indiqué son impossibilité de reprendre une activité là où il exerçait son métier d’éducateur.
L’argument pour la radiation était que Pierre avait déposé une plainte pour « mise en danger d’autrui » et que les prud’hommes ne pouvait statuer si les conclusions pour cette plainte n’étaient pas faites. Mais Pierre avait abandonné cette procédure depuis au moins un an. L’argument avancé n’était donc pas valable, mais la radiation bien effective.


Suite à ces errements de la justice et aux conclusions du fond de garantie, Pierre a entamé une grève de la faim. Elle a duré 38 jours, du 4 mai au 11 juin. Nous avons alerté les députés de Savoie, saisi monsieur le Préfet, mais aucune action de leur part n’a abouti, puisque le fond de garantie campe sur ses positions et ne veut pas reconnaître les préjudices de Pierre. Il est intolérable qu’une victime soit dans une telle situation alors que la loi lui promet un accompagnement et la rapidité des procédures engagées.

Pierre a reçu beaucoup de messages lui faisant part de situations similaires à la sienne. Certaines personnes se battent encore contre une administration ou une commission bornées, d’autres ont abandonné faute de moyens adéquats. Et alors que nous pensions que le parcours de Pierre était une exception, au fil des contacts, nous avons découvert que l’exception se généralisait pour beaucoup de personnes. Il est honteux que, en France, une victime ne soit pas soutenue du début à la fin de son parcours de reconstruction et que certaines finissent ainsi dans la précarité et l’isolement.

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